Chemin de pièces ou comment imiter le P'tit Poucet ? [Terminé]

J'étais allongé sur le toit d'une somptueuse maison d'Equillios, la respiration haletante, ma dague dégoulinant de sang. On était au début de l'après-midi. L'air était frais. La rumeur de la ville était calme, pour une fois. Le ciel était bleu, sans nuage. Parfois, quelques oiseaux traversaient le ciel sans mot dire. Le toit était incliné de façon à ce que je puisse rester sans glisser en mettant mes pieds dans la gouttière. Comme d'habitude lorsque je tuais quelqu'un, je sentais une sensation agréable au niveau du nombril, une chaleur douceâtre, qui nuançait la douleur que j'éprouvais depuis Son meurtre à Lui. Mais tout était si bien comme cela. Et puis de toute façon, Il était mort, j'étais vivant. Je fermai les yeux, sentant cette sensation plus précisément. Comme c'était bon de tuer. J'approchai la dague de mes lèvres, goûtant le liquide cuivré avec délice. Le goût de la mort, de la vie aussi. J'étais allongé sur le toit d'une somptueuse maison d'Equillios, le dos contre les ardoises fraîches et un sourire sadique sur les lèvres. Sans prévenir, je pris mon envol.

Je volai pendant plusieurs minutes vers le Nord, je ne voulais pas avoir le soleil dans la figure. Mes ailes de nuit ne reflétait pas sa lumière ; elles restaient impassibles face aux rayons, telles des ombres démoniaques. Elles me portaient au-dessus de l'agitation continuelle de la capitale : je leur vouais un amour tout particulier, puisqu'elles faisaient de moi un ange, mais pas n'importe quel ange, un ange déchu. Un ange qui était destitué des devoirs de bonté qu'il devait exercer, ce qui signifiait que j'étais plus libre que n'importe quel autre ange. Je ris sardoniquement. Je me sentais heureux, bizarrement. Pourtant, je voyais encore par intermittence Son visage monter en moi, mais ce n'était pas grave puisque ce n'était qu'un lâche. Il faisait plus froid en hauteur que sur le toit. Je sentis un frisson me parcourir. Que c'était bon la vie ! Je rangeai ma dague bientôt nettoyée dans une poche, le long de ma jambe. A travers le tissu, la satisfaction froide de l'acier me procura un bien énorme. ** I never was and never will be, I don't know how I'm not free ♫ **

Je redescendis vers le cœur de la ville. A cette heure, il y avait beaucoup de monde dehors, mais moins que d'habitude. Pourtant, le temps était clément et il semblait que les gens préféraient sortir lorsque le soleil brillait. Ils restaient cloîtrés chez eux lorsqu'il pleuvait. Qu'ils étaient bêtes. C'est encore mieux sous la pluie ! Je me posai au milieu d'une rue, effrayant les passants. Tss, ils n'avaient qu'à se pousser. Mu par la soif, j'entrai dans une taverne enfumée et sombre. Je m'installai au contoir et commandai à une serveuse passablement jolie, habillée pour montrer les parties les plus avantageuses de son corps, l'air belliqueux et l'œil torve, une liqueur de mûre et une assiette de frites. Elle revint vite avec ma commande.

Je payai. De toute façon, j'allai bientôt les récupérer. Je goûtai à mon plat. Les frites étaient infectes, mais la liqueur n'était pas trop mal. Je ne touchai pas à mon assiette. Tout en buvant distraitement mon verre, je dépouillais d'un tourne-main mon voisin qui louchait sur les parties proéminentes de la serveuse de sa bourse. Je rangeai mon butin de ma poche, finis ma boisson et me dirigeai vers la jeune fille qui regardait dans la vide à l'autre bout de la pièce. D'un sourire, je la pris par la main, l'emmenais dans les toilettes, commençai à l'embrasser, puis, pendant qu'elle fermait les yeux, lui enfonçai ma dague dans le cœur. Elle s'écroula. Pour la deuxième fois de la journée, je me sentis extrêmement bien, serein. Je vidai ses poches et la cachai dans un coin sombre. Futile précaution.

Je quittai cette taverne d'un pas ferme. J'abordais toujours mon sourire sardonique. Je devais faire peur. Pour parfaire l'illusion, je laissais tomber derrière moi les pièces que j'avais volées à la manière du Petit Poucet. Pourquoi faisais-je cela ? Je n'en avais aucune idée.