[Quête Solo] Disparition Lucinienne [Terminé]

C’était une belle journée comme une autre sur Lucina.
Serena poussa un soupir résigné à cette pensée stupide, adossée au tronc d’un arbre touffu.
Oui, c’était une belle journée… sauf qu’il pleuvait des cordes depuis l’aube sur la Plaine Verdoyante !
En catastrophe, la blanche jeune fille avait dû se réfugier sous cet abri de fortune, Tsuki après s’être copieusement secouée était toute ébouriffée sur son épaule.
Elle porta sa main douce et blanche à la petite chouette harfang, autant pour la réconforter que pour lui rendre une apparence présentable.

- Ne t’en fais pas Tsuki, tout ira…

Elle allait dire « bien » quand des glapissements aîgus se mirent à retentir dans la plaine, suivie d’un fracas de métal et d’imprécations non loin.
Serena reconnut ce son entre mille, il fallait dire que la présence de Globi auprès d’Espériane l’avait bien aidée en cela.
Ces glapissements, c’était le signal de ralliement des Galopins quand ils voulaient se rabattre sur un intrus.
Et, aux imprécations qu’elle percevait, quelqu’un devait avoir de sérieux ennuis.

- Allons-y Tsuki !...

Elle rabattit son capuchon sur sa tête pour se protéger de la pluie et elle se précipita sous les rideaux d’eau.
Sa chouette poussa des « Pya » indignés mais elle finit quand même par suivre sa maîtresse tant bien que mal sous la pluie.
Non sans peine, Serena parvint à rejoindre le lieu du combat, un cavalier à l’épaule ensanglantée se débattait face à une douzaine de galopins.
Déjà, sa monture gisait à terre, agonisante, terrassée par les lances acérées des petites créatures.
La Lucinienne n’hésita pas sur la conduite à tenir, déjà d’autres galopins surgissaient de la plaine, droit vers le cavalier qui défendait sa peau bec et ongles, il mourrait si elle n’intervenait pas.
Cette pluie qu’elle maudissait depuis l’aube allait lui être utile.
A son commandement, les trombes d’eau qui descendaient du ciel se muèrent en grêlons acérés pour tomber en une pluie tranchante sur la vingtaine de galopins qui encerclait le malheureux cavalier.
Bien sûr, les Galopins n’étaient pas stupides, ils avaient compris que cette soudaine apparition blanche était la cause de cette brusque pluie de glace qui épargnait seulement le cavalier et elle-même.
Mais ils ne purent préparer une riposte assez vite.
Voyant qu’ils ne déguerpissaient pas, Serena fit tomber de plus gros grêlons encore, blessant et assommant une demi-douzaine de galopins ici et là.
Pour donner une bonne mesure à son attaque, la jeune fille les foudroya de son regard couleur sang.

- Déguerpissez !...

Cette fois, les créatures avaient compris, en glapissant et certainement en la menaçant dans leur langue bizarre, elles ramassèrent leurs blessés et disparurent dans la Plaine Verdoyante.
Enfin débarrassée d’eux, Serena laissa la pluie retomber telle quelle et elle se pencha sur le cavalier.

- Venez, je vais vous aider !...

Tant bien que mal, la frêle Lucinienne aida le cavalier blessé à rejoindre son abri de fortune sous l’arbre.
Doucement, elle le fit asseoir et sortit de sa sacoche de quoi soigner et panser sa blessure.
Peu à peu, le torrent d’eau se calma sur les feuilles et Serena put s’enquérir de l’homme qu’elle soignait.

- Qu’est-ce qui vous a mené dans cette région de la Plaine Verdoyante ? Tout le monde sait qu’elle est infestée de Galopins !...

Le jeune homme grimaça alors qu’elle achevait de nouer le pansement autour de son épaule et y porta la main pour tenter d’apaiser sa douleur.

- Je viens de Solériès. Par ordre du Roi, je vais de village en village afin d’informer toute Lucina du malheur qui vient de frapper la famille royale.

Serena haussa un sourcil, elle n’avait pas croisé un bourg depuis des jours et n’était absolument pas au courant de ce qui pouvait bien se passer à Solériès.
Comme Tsuki se secouait sur son épaule, l’éclaboussant de son mieux, l’herboriste la déposa à terre malgré son « Pya » indigné et reposa son regard couleur rubis dans celui du messager.

- Qu’est-il arrivé ?...

Le jeune homme fouilla dans sa livrée et en tira un document qu’il tendit à la jeune femme.

- Tenez, voyez par vous-même !...

La Lucinienne s’empara du papier, il ne s’agissait ni plus ni moins qu’un avis de recherche moyennant récompense.

- « Le Roi de Lucina récompensera grassement tout aventurier qui lui rendra sa fille ». La Princesse a été enlevée ?!...

Le messager acquiesça gravement et jeta un regard par-dessus de son épaule blessée à travers l’averse qui se calmait enfin.

- Les rares témoins de l’enlèvement disent que les brigands ont filé en direction de Dera qui se trouve non loin d’ici. J’espérais trouver des indices en passant à proximité. Il y a d’autres rumeurs qui disent que ces chiens se seraient réfugiés en Harmonia, au creux des Montagnes de Glace mais personne ne l’a encore confirmé !...

Le regard de Serena s’assombrit : Dera, le Village Abandonné…
Bien sûr, ce pouvait être une excellente cachette pour des brigands, tous les habitants de Lucina fuyaient cette endroit comme la peste et les visiteurs des autres mondes, encore davantage.
La blanche jeune fille se redressa doucement, ce n’était pas qu’elle ait une dévotion toute particulière pour la famille royale vu qu’elle vivait en recluse depuis des décennies mais autre chose la poussait à agir.
En tant que Gardienne des Mondes, elle savait que toucher ainsi à la tête du pouvoir politique de Lucina pourrait causer un grave déséquilibre entre les trois forces en présence et il n’était pas question que le monde de la Lumière soit ainsi affaibli.

- Je vais aller voir ce qu’il en est à Dera. Vous pourrez vous en sortir seul ?

Déjà, Tsuki se hissait sur son épaule en voletant sur ses ailes détrempées.
Le messager acquiesça gravement, la main sur son épaule douloureuse bien que soigneusement bandée.

- Oui, j’ai envoyé un faucon pour prévenir de mon attaque. Du secours sera là sous peu. Ne tardez pas si vous pensez pouvoir sauver notre princesse.

Serena salua donc le jeune homme et s’éloigna dans les immenses étendues de la Plaine Verdoyante.
La pluie cessait enfin et un beau soleil qui filtrait au travers des nuages illuminait désormais la verte contrée de Lucina, les gouttes suspendues sur les plantes étincelant comme des diamants en pleine lumière.
Tsuki piaillait doucement, ses ailes enfin séchées par la douce chaleur du soleil et sa petite maîtresse daigna enfin descendre son capuchon pour la caresser tendrement.
Toutefois, elle ne perdait pas sa concentration, comme le prouvait l’attaque des Galopins sur le messager, les environs de Dera étaient peuplés de créatures plutôt inhospitalières.
Bientôt, les contours d’un village apparurent au loin et ce fut avec prudence qu’elle pénétra dans les ruelles désertes du bourg abandonné.
Nul ne savait ce qui s’était passé en ces lieux, les habitants avaient disparu du jour au lendemain sans crier gare, laissant en plan tous leurs biens.
Pourtant, en dépit de la disparition brusque de ces occupants, Dera n’avait pas changé d’un iota et les rumeurs les plus effrayantes couraient sur ce qui s’y déroulait la nuit.
Mais Serena n’avait pas l’intention de s’y attarder, encore moins d’y passer la nuit.

La main sur la garde de son arme, elle s’avançait prudemment entre les demeures inoccupées à la recherche de traces quelconques de passage.
Et finalement, elle trouva ce qu’elle cherchait, des traces de pas semblant assez récentes bien qu’à demi effacées par la pluie.
Sans le moindre doute, les traces de passage de près d’une dizaine de personnes et au moins un animal quelconque, utile pour transporter quelqu’un contre son gré.
Personne à Lucina ne serait assez fou pour se rendre volontairement en aussi grand nombre dans ces lieux désolés, apparemment les témoins avaient bien repéré la direction dans laquelle filaient les brigands.
Mais, un peu désemparée, Serena constata que les traces disparaissaient brusquement.
Elle pesta, est-ce qu’ils avaient pris un portail ?
Les rumeurs étaient peut-être vraies après tout, rien n’empêchait que ces brigands se soient rendus à Dera où ils savaient que les Luciniens ne les poursuivraient pas pour emprunter un portail et se rendre à la destination de leur choix.
Elle chercha à connaître le point exact où s’était ouvert le portail mais le travail de sape qu’avait effectuée la pluie ne l’aidait pas.
Puis soudain elle se figea, des pas comme des coups de feu avaient claqué dans la boue, quelques mètres derrière elle.
La Lucinienne ne fit pas mine de se retourner mais elle resserra la garde autour de son arme.
Une voix retentit derrière elle.

- Ca faisait bien longtemps… Serena !...

Cette voix ! Elle la reconnaissait !
Brusquement, elle se retourna et se mit en garde, foudroyant son interlocuteur du regard.

- Thörn ! Thörn Barnes !...

Un sourire s’afficha sur les traits charmeurs de l’Umbrien.
Pas de doute, c’était bien lui, celui qui n’avait pas hésité à essayer de la tuer lors du Bal Masqué donné à Solériès et dans lequel elle avait débarqué totalement involontairement.
Une lueur de soupçon pure passa dans les pupilles écarlates de la Lucinienne.

- Qu’est-ce que tu fais là Thörn ?!...

Elle se souvenait bien de ses paroles, il n’hésiterait pas à de nouveau attenter à sa vie si elle mettait les pieds sur Umbra mais que venait-il faire là à la relancer sur son propre monde ?
Il se contenta de pouffer de rire, de passer une main négligemment dans sa chevelure brune et de darder sur elle un regard amusé.

- Tu crois vraiment que je vais te laisser voler au secours de cette petite dinde de princesse lucinienne ?...

Serena se raidit en entendant ça.
Manifestement, Thörn travaillait pour le compte de Tenamas la seule et unique fois où elle l’avait rencontrée.
Etait-il possible… que la Princesse ait été enlevée sur les ordres des plus hautes instances d’Umbra ?
Elle fronça les sourcils, resserrant la garde sur son arme.

- Où est-elle ?...

Un sourire narquois s’afficha sur le visage du jeune homme et une étincelle de folie illumina soudain son regard alors que des griffes gigantesques et acérés jaillissaient de ses mains.

- Je te le dirais… si tu me bats !...

Brusquement, il fondit sur elle et Serena n’eut que le temps de s’écarter pour éviter son assaut.
Tsuki fut projetée de son épaule par le déplacement d’air et elle prit son essor dare-dare en poussant des cris inquiets en direction de sa maîtresse.
Hélas, la blanche jeune fille n’avait pas de temps à lui accorder, elle arrivait juste à esquiver les attaques de Thörn qui semblait habité d’une folie dévastatrice.
Et le terrain était tout sauf à son avantage, la terre détrempée était traîtresse et les rues de Dera étaient encore trop bien entretenues pour donner assez d’obstacles pour lui permettre une riposte digne de ce nom.
Alors qu’elle se réceptionnait, la terre boueuse glissa sous sa bottine et elle fut dangereusement déséquilibrée.
Mais elle n’eut jamais le temps de tomber, sans pitié l’une des mains puissantes et griffues de Thörn se referma autour de sa gorge.
Un sourire sadique irradia son visage.

- Je te tiens ma jolie !...

Serena poussa un gémissement de douleur lorsqu’il l’arracha du sol, il lui broyait la gorge sans autre forme de procès en la soulevant à bout de bras.
De désespoir, elle en lâcha son arme pour porter ses deux mains à l’étau qui l’étranglait afin de se dégager.
Thörn se gaussait de ses pitoyables efforts.

- Tu vas mourir Serena !... Tout comme ta princesse !...

La situation devenait désespérée, la Lucinienne le savait, elle commençait déjà à manquer d’air.
Brusquement, elle sentit la poigne de Thörn se desserrer à peine, Tsuki, sa fidèle chouette harfang se jetait toutes serres dehors sur l’Umbrien.

- Sale bête ! Casse-toi !...

Un formidable coup de griffe arracha un piaillement de douleur à l’animal qui retomba dans un bruit flasque dans la boue.
Serena ne pouvait même pas crier quelque chose à sa courageuse petite chouette mais son intervention téméraire lui remit les idées en place.
Sans hésiter, elle déploya ses ailes, aussitôt son agresseur écarquilla les yeux d’incrédulité.
Profitant de l’effet de surprise, de toutes ses forces, elle décocha un formidable coup de pied à l’Umbrien qui la lâcha brusquement.
Reprenant avec joie une bouffée d’air en atterrissant maladroitement sur la terre détrempée, elle arracha son Naginata à l’étreinte de la boue et en asséna un vif coup à l’épaule du jeune homme.
Un gémissement déchirant retentit soudain tandis que Thörn portait la main à son épaule.
La Lucinienne écarquilla les yeux, ce genre de cri strident, elle l’avait déjà entendu mais ça n’avait rien de commun avec un gémissement de douleur poussé par un humain blessé.
La compréhension et la détermination emplirent soudain le regard couleur rubis de la Lucinienne et elle se précipita vers Thörn.
D’un geste, le Naginata transperça verticalement Thörn et le gémissement se mua en un cri strident.
L’illusion se déchira soudain et l’Ombre qui se dissimulait sous les traits de l’Umbrien apparut au grand jour, tranchée en deux comme s’il ne s’agissait que d’un vulgaire bout de papier noir.
Son cri s’estompa peu à peu tandis qu’elle se délitait en une vague brume noire avant de disparaître, emportée par le vent qui soufflait sur Dera.
Reprenant péniblement son souffle, Serena se redressa prudemment.
Puis elle laissa de nouveau tomber son arme sur la terre boueuse.

- Tsuki !...

Elle se précipita vers la flaque où était tombé son petit animal, la chouette y était étendue sans vie.
Fébrilement, elle la prit dans ses mains et examina la petite créature complètement inerte, le cœur serré.

- Tu as été très courageuse…

Déjà, la Lucinienne sentait poindre les larmes au bord de ses paupières quand soudain un minuscule « Pyu » retentit.
Lentement, la petite chouette harfang ouvrit ses yeux aux pupilles d’or et s’agita dans les mains de sa petite maîtresse, elle reprenait péniblement ses esprits.
Serena écarquilla les yeux devant ce petit miracle puis elle sourit bien franchement, une fois de plus, elle ne s’en serait pas sortie sans sa petite compagne à plumes.
Une lueur irradia derrière elle, faisant briller les pupilles dorées de la chouette fébrile, et elle se retourna.
Un portail s’était brusquement ouvert des mètres derrière elle, là où l’Ombre lui barrait le passage quelques minutes auparavant.
Saisissant son arme dans la main droite, elle adressa un sourire à Tsuki en la blottissant de l’autre main contre sa poitrine.

- Allons-y Tsuki !...

Doucement, elle se dirigea vers le portail et le franchit.
La lumière blanche se déchira brusquement et Serena baissa la tête, un vent glacial s’engouffra brusquement dans ses vêtements.
Elle dût replier ses ailes pour ne pas être jetée en arrière et elle glissa précipitamment Tsuki encore sous le choc sous ses vêtements pour la prémunir du froid.
Tant bien que mal, alors que le portail se refermait en silence derrière elle, elle rabattit son capuchon sur sa chevelure blanche et elle jeta son manteau sur ses ailes blanches.
Enfin elle put lever les yeux pour essayer de se situer.
A la fois avec et sans surprise, non loin elle reconnut les cimes majestueuses des Montagnes de Glace.
En un instant, la Lucinienne venait de parvenir en Harmonia.
Le regard couleur sang de Serena se raffermit, ainsi non seulement les témoins mais aussi la rumeur disaient peut-être vraies.
Les brigands avaient quitté les contreforts de Solériès en direction de Dera mais avaient ensuite très bien pu emprunter ce portail tel qu’elle l’avait fait elle-même.
Courageusement, Serena se mit en marche contre le vent froid, sa chouette blottie contre elle, en direction des Montagnes de Glac e et les Grottes aux Ossements.
Mais, pour les atteindre, la marche était longue et le jour descendait peu à peu.

La Lucinienne avait appris de ses voyages qu’un défilé au bas des Montagnes de Glace menait à ces fameuses grottes.
Que la rumeur soit vraie ou fausse, ce passage était malaisé à emprunter et dangereux, mais il était vrai que se cacher au cœur des Montagnes au-delà de ce défilé rendait la poursuite des plus difficiles.
Mais, alors que le soleil passait sous l’horizon, une mauvaise surprise frappa Serena de plein fouet.
Des mugissements retentissaient à l’entrée du défilé et leurs auteurs s’éloignaient à pas lents.
Deux Etres de Pierre venaient de mettre un terme à leur affrontement avec un trio d’aventuriers.
Au bas des Montagnes de Glace, sur la neige immaculée, gisaient les corps broyés et ensanglantés d’êtres qui étaient dans un tel état que leurs races respectives n’étaient même plus identifiables.
Dissimulée derrière un rocher, il fallut toute la force de volonté de Serena pour qu’elle ne rende pas son déjeuner devant ce spectacle innommable.
Avec une extrême lenteur, les Etres de Pierre rejoignirent ce qui devait être leur demeure ordinaire, à savoir chacun un des cotés du défilé.
Ca ne pouvait pas tomber plus mal, elle devait passer par ici si elle voulait rejoindre les Grottes aux Ossements.
Comment allait-elle faire ?...
Réfléchissant, Serena s’assit au bas du rocher derrière elle s’était cachée et sortit doucement Tsuki de son manteau qui s’agitait de nouveau.

- Ne t’en fais pas Tsuki. Nous allons attendre la nuit !...

Rapidement, le jour laissa place à la nuit et le léger croissant de lune éclairait à peine les contreforts des Montagnes de Glace.
Serena avait pris le temps de s’assurer en nettoyant sa petite chouette à grande eau que celle-ci n’avait aucune blessure de son altercation avec l’Ombre à Dera.
Comme revigorée par sa douche, Tsuki avait repris sa place sur son épaule et pépiait gaiement.
D’un geste, la Lucinienne fit signe à sa fidèle compagne de se taire et, à pas de loups, elle prit le chemin du défilé.
Secrètement, elle espérait que les titans de pierre qui avaient massacré les trois cadavres qu’elle venait de longer s’étaient tout simplement rendormis.
Un peu naïf sans doute mais ce n’était pas le genre de la blanche et pacifique jeune fille que de chercher la confrontation avec plus grand qu’elle.
Prudemment, elle parvint devant l’entrée du défilé et contempla les deux Etres de Pierre de chaque coté, comme des gardiens immobiles de ce passage.
Ils ne bougeaient pas d’un pouce, comme retournés à leur sommeil de pierre.
Aussi discrètement que possible, Serena s’avança dans la neige des Montagnes de Glace qui crissait sous ses pas.
La lumière de la Lune qui pénétrait en partie dans le défilé éclairait le manteau neigeux, lui donnant un éclairage suffisant pour se guider jusqu’aux grottes.
Mais soudain la Lucinienne constata qu’une ombre se dressait derrière elle, coupant le passage de la lumière blanchâtre de la Lune.
Elle se retourna avec un mauvais pressentiment et ses yeux écarlates s’écarquillèrent de détresse.
Les Etres de Pierre s’étaient ranimés et l’un d’eux dressait ses mains jointes au-dessus d’elle, prête à la broyer sur place.
La jeune fille n’eut que le temps de se jeter de coté pour éviter l’attaque mortelle et un énorme bruit ébranla le défilé silencieux tandis que la neige qu’elle foulait l’instant d’avant s’élevait comme un jeyser sous les poings du titan.
Serena considéra avec frayeur les deux créatures, jamais elle ne parviendrait à s’en débarrasser seule.
Elle était coincée dans ce défilé, avec ces deux Etres de Pierre qui lui barraient la route vers l’unique sortie, les pans des montagnes abrupts autour d’elle, de la neige dévalant ça et là.
Brusquement, la jeune fille regarda la neige qui descendait le long des parois et elle releva la tête.
D’immenses plaques de neige prêtes à s’effondrer se tenaient là, elle avait une idée !

Concentrant son pouvoir sur l’eau, elle liquéfia la neige en faible quantité qui les accrochait aux flancs de la montagne et ça ne rata pas !
Dans un bruit de cataracte, les tonnes de neige s’effondrèrent dans le défilé sur les titans de pierre.
La jeune fille dut s’éloigner en courant, Tsuki dans ses mains, pour éviter elle-même l’avalanche qu’elle avait volontairement déclenchée.
Elle attendit sous un à-pic que le déluge de neige s’achève et elle redressa avec stupeur quand la lueur de la Lune entra de nouveau dans le défilé.
Là où se trouvaient les titans de pierre quelques instants auparavant, un imposant monticule de neige se dressait désormais et plus aucun mouvement n’apparaissait sous la surface immaculée.
Peu importe si elle n’était pas parvenue à les briser, voire même à les tuer, sous les tonnes de neige, les créatures mettraient sans doute un moment vu leur lenteur à s’en dépêtrer.
Avec davantage de prudence, Serena s’engagea dans le défilé qui menait aux Grottes aux Ossements et, elle l’espérait, aux brigands qui retenaient la princesse.
Bientôt, la Lune ne filtra plus et elle dût sortir sa Pierre de Lune afin qu’une faible lueur guide ses pas dans les ténèbres.
Au bout d’un moment, elle se figea et tendit l’oreille.
Elle avait raison, des éclats de voix retentissaient au détour du défilé.
Aussi silencieuse que possible, elle continua en direction de ces voix et elle s’aplatit contre le mur de pierre en voyant l’éclat d’un feu se réverbérer sur la neige.
Les voix s’élevèrent de nouveau et, comme elle était plus près, elle put enfin comprendre ce qu’elle disait.
Celles-ci étaient rauques et dures, toutes appartenant à des hommes et certainement pas de la meilleure éducation.

- Ca a fait un raffut du tonnerre tout à l’heure ! Vous croyez que nos petits potes de l’entrée se sont encore amusés avec ces débiles qui nous pourchassent ?
- J’espère bien, renchérit quelqu’un, le chef a eu une fameuse idée en passant par là et le temps que ces lourdauds se réveillent, nous étions loin !
- Mouais, grogna le troisième, faudra pas rester ici bien longtemps ! Les gugusses qui recherchent la Princesse viennent en masse, on livre notre colis, on touche notre prime et on se casse !...

Ce petit discours avait au moins le mérite de renseigner Serena : c’était bien les brigands qui avaient enlevé la fille cadette du Roi de Solériès et celle-ci était toujours en vie.
Qui plus est, leur chef avait loin d’être idiot puisqu’il avait eu la fameuse idée de semer leurs poursuivants dans ce défilé en laissant le sale travail aux Etres de Pierre.
Mais maintenant, la Lucinienne avait un sérieux problème, ces trois brigands étaient plantés à l’entrée, comment allait-elle faire pour pénétrer dans leur planque sans coup férir ?
En plus, ils ne semblaient pas décider à bouger de là, un son caractéristique de friture et un délicat fumet de viande grillé qui flottait dans l’air laissaient savoir qu’ils étaient en train de préparer leur dîner.
Tandis que sa petite maîtresse se creusait la cervelle pour trouver une solution, Tsuki sembla se lasser d’attendre.
Brusquement, elle s’envola en direction des trois brigands sans qu’elle ne parvienne à la retenir.

- Tsuki ! Non !...

La chouette harfang ne fit même pas mine d’entendre, elle se posa auprès de la gamelle du trio en clignant ses yeux dorés et les observant en hochant la tête de coté.
Serena avait la peur au ventre pour sa fidèle compagne, si jamais ces hommes décidaient de l’ajouter à leur dîner…
Sans crier gare, Tsuki s’approcha en quelques bonds successifs de la gamelle, plongea son bec dedans… et s’enfuit à tire d’ailes avec l’épais morceau de viande.
La réaction des trois brigands ne se fit pas attendre.

- Sale piaf ! Reviens ici !

Sa petite chouette venait droit vers elle, son butin dans le bec, elle n’avait plus le choix.
Elle planta son Naginata dans la neige, le premier du trio trébucha lourdement, allant mordre le tapis blanc et embrasser une pierre qui se trouvait là comme pour accueillir sa tête.
Le second pila net en voyant la chute de son compère et, sans pitié, Serena l’assomma de toutes ses forces.
Il s’effondra à son tour mais le troisième avait compris ce qui se tramait.
Il porta la main à son fourreau mais jamais il n’eut le temps de sortir son arme.
Tsuki, qui avait daigné lâcher son steack, se jeta au visage du brigand, le picorant et le lacérant de ses serres.
La Lucinienne se coula derrière le hors-la-loi et l’envoya rejoindre ses compères dans les bras de Morphée d’un bon coup de son arme derrière le crâne.
Poussant un soupir de soulagement, elle se redressa et contempla sa petite chouette qui , son travail terminé, était retournée prestement déguster son repas bien mérité, toute fière d’elle.
La scène lui arracha un sourire.

- Ventre à pattes !...

Toutefois, elle n’avait pas de temps à perdre.
Elle se servit des cordes que transportaient les brigands pour les ligoter dans leur inconscience et les bâillonner en déchirant des lambeaux de leurs vêtements crasseux.
Serena ramassa sa chouette à la bedaine pleine et plongea une torche dans le foyer qui avait servi à cuire le repas de Tsuki.
Prudemment, elle se glissa dans les Grottes aux Ossements à la lumière de la flamme.
Effectivement, celles-ci étaient plutôt bien nommées, de toutes cotés des parois de pierre, des monticules d’ossements blanchis s’entassaient, encore recouverts pour certains de chair en lambeaux et de peau.
Pourtant, Serena n’eut aucun mal à se diriger dans ce dédale inquiétant.
Un chemin d’os brisés, foulés au pied, passait dans les grottes, certainement le passage qu’avaient emprunté les geôliers de la Princesse
Elle l’empruntait aussi silencieusement que possible mais les os craquaient sous ses pas comme autant de branches mortes et le son portait, amplifié par les parois de pierre.
A tout instant, elle craignait de ne voir débarquer quelqu’un.
Mais la Lucinienne ne tarderait pas à comprendre pourquoi le simple son de ses pas semblait n’inquiéter personne.

Bientôt, il fut étouffé par des éclats de voix qui résonnaient dans les grottes et, au fur et à mesure, qu’elle approchait, les voix se faisaient de plus en plus distinctes, on entendait des rires gras aussi, des plaisanteries et de nombreux bruits métalliques.
Le tout provenait d’un petit surplomb rocheux, comme une sorte de passerelle naturelle.
Aussi silencieuse qu’une Ombre, elle se hissa jusqu’à la hauteur de cette passerelle et passa prudemment la tête derrière une arche de pierre.
Au-delà de cette arche se dressait une salle voûtée, merveille creusée par l’eau dans le flanc de la montagne.
Rien d’étonnant à ce que personne ne vienne à sa rencontre au simple son de ses pas, juchés sur des caisses ou vautrés sur le sol de pierre, les brigands étaient à la fête.
Autour d’un feu, ils s’étaient rassemblés et festoyaient tous, entrechoquant les gobelets, riant grassement, parlant fort et plaisantant à tout bout de champ.
Le regard écarlate de la Lucinienne se mit à chercher la princesse du regard, s’ils étaient tous là, elle ne devait pas être bien loin et elle dût retenir un gémissement quand ses yeux la rencontrèrent.
La fille cadette du Roi de Lucina était là, suspendue au dessus du feu, comme un oiseau prisonnier d’une cage d’os gigantesques que les malfrats avaient assemblée avec de la corde grossière.
Un homme, coiffé d’un large chapeau à plumes aussi ridicules qu’imposant, sortit brusquement d’un recoin qu’elle n’avait pas vu.
Serena resta dissimulée où elle était, celui-ci écartait déjà les bras, s’apprêtant à faire un petit discours.

- Plus que quelques heures à attendre les gars ! Dès que notre commanditaire sera là, nous serons des hommes riches !...

Il se servit aussitôt une chope au tonneau le plus proche tandis que ses sous-fifres exultaient et se resservaient eux aussi.
La Lucinienne, elle, n’avait pas le cœur à la fête : aussi éméchés soient-ils, ces brigands en étaient néanmoins armés et dangereux.
Elle n’avait pas fait toute cette route pour laisser tomber la princesse maintenant mais affronter sept hommes à elle seule lui paraissait presque aussi insurmontable que son affrontement avec les Etres de Pierre.
Serena eut soudain un éclair de lucidité et elle ouvrit sa sacoche de simples aussi rapidement que discrètement.
Parmi ces plantes, il y en aurait bien une qui lui serait utile.
Bien sûr, il y avait ces feuilles qu’elle avait utilisées dans la Grotte des Illusions pour échapper au terrible Fauve Pourpre mais elle ne tenait pas à incommoder la princesse avant de la sauver.
Puis elle mit la main sur une petite bourse de tissu, elle savait ce qu’elle contenait.
Des graines de pavot, une plante très utile pour des décoctions afin de trouver le sommeil mais on pouvait aussi les faire brûler afin de dégager une fumée aux propriétés des plus soporifiques.
Puisqu’on ne l’avait pas repérée, à pas de loups, elle se glissa à l’entrée de la salle voûtée et soigneusement, elle se protégea le visage pour ne pas être affectée par la fumée.
Elle sacrifia des racines sèches de sa sacoche en guise de bois pour le foyer, les embrasa avec sa torche et plongea le sachet de graines de pavot dans le feu.
Avec sa cape, elle l’attisa jusqu’à ce que la fumée soporifique se dégage et, mûe par le souffle artificiel qu’elle créait avec le tissu, elle se glissa sournoisement dans la salle voûtée.
Pris par surprise, les brigands, déjà sous les effets de l’alcool, ne tinrent pas longtemps.
Des bruits de chute, de verre, de métal retentirent tour à tour et bientôt un grand silence se fit.
Après plusieurs minutes, Serena fit jaillir un peu d’eau, éteignant feu et fumée soporifique.

Prudemment, elle se glissa dans la salle où désormais tous les brigands ronflaient à qui mieux-mieux.
Afin de ne pas être affectée par la brume soporifique qui régnait encore, elle se hâta d’éteindre le foyer des malfrats également, de trancher la corde et de libérer la princesse de sa cage d’ossements.
Celle-ci s’était également endormie et cela lui facilitait la tâche.
La Lucinienne chargea l’adolescente tant bien que mal sur son dos frêle et traversa les Grottes aux Ossements à la lumière de sa Pierre de Lune, glissant et trébuchant fréquemment à cause de ce poids supplémentaire.
Heureusement, elle parvint en un seul morceau à la sortie et passa sans un regard pour les brigands soigneusement garrottés et bâillonnés qui étaient revenus à eux et qui geignaient en voyant leur proie s’échapper.
Ce fut nettement plus inquiète qu’elle passa là où étaient ensevelis les Etres de Pierre.
Elle passa aussi silencieusement et prudemment que possible entre les deux monticules mais ce ne fut que lorsqu’elle fut loin des Montagnes de Glace, Tsuki voletant à ses cotés que Serena fut véritablement soulagée.
Toutefois, le poids de la princesse sur ses frêles épaules était de trop et elle dût s’arrêter derrière un mégalithe, non loin de l’endroit où se trouvait le portail qui les ramènerait en Lucina.
Ce fut à ce moment que la princesse crut bon de se réveiller et, bien évidemment, elle était paniquée par ce réveil soudain loin de ses ravisseurs, dans un endroit inconnu près d’une personne inconnue.
Serena sourit doucement afin de l’apaiser et l’incita à se calmer d’un geste.

- Restez tranquille. Vous êtes libre Princesse. Quand vous serez en état de vous lever, je vous ramènerai à Lucina.

La jeune fille ne semblait pas y croire et c’était compréhensible.
Il fallut du temps pour la rassurer et lui faire comprendre que son cauchemar était terminé.
L’aube commençait à poindre sur Harmonia quand la princesse se trouva enfin mieux et elles franchirent ensemble le portail qui les ramena à Lucina.
Sans peine, elles rencontrèrent des hommes venus de Solériès en quête de la princesse et elles regagnèrent la capitale, accompagnées de cette escorte.
Serena était toutefois partagée, certes elle était heureuse que la princesse soit rendue au roi son père saine et sauve mais une question demeurait, pourquoi l’avait-on enlevée ?...
Cette dernière question demeurait sans réponse…


[Merci à toutes les personnes qui liront ces lignes (je sais, je m'étale) et désolée pour ceux qui s'attendaient à une quête gore à souhait, je suis pour la paix des peuples mwa ]

Serena Magami --> 30xp

EDIT BY ADMIN : Xps donnés !